Evaluation d’une intervention visant à réduire les inégalités de langage liées à l'origine sociale chez les jeunes enfants

Enseignant-chercheur en psychologie sociale à l’université de Poitiers, Sébastien Goudeau a été récompensé pour son sujet de recherche intitulé : "Évaluation d’une intervention visant à réduire les inégalités de langage liées à l’origine sociale chez les jeunes enfants".

Un projet né d’un constat inquiétant, encore aggravé par la crise sanitaire : "Alors que l’école maternelle est censée réduire les inégalités langagières entre élèves, celles-ci restent en réalité très présentes à la fin de l’école maternelle".

Mis en œuvre en accord avec le rectorat de Nouvelle-Aquitaine dans 40 classes de l’académie de Poitiers, ce projet repose sur les résultats récoltés précédemment lors d’observations vidéo de moments de regroupements oral dans plusieurs classes de maternelle. Avec le résultat suivant : les enfants de statut socio-économique faible contribuent aux échanges en moyenne 50 à 75 % de moins que leurs pairs, car ils sont à la fois moins susceptibles d’être interrogés et moins susceptibles de prendre spontanément la parole. Cela pourrait contribuer à expliquer les inégalités langagières constatées en début de CP et par la suite, les inégalités de parcours scolaires.

La recherche-action conçue par Sébastien Goudeau et son équipe vise à former les enseignants à cet enjeu, afin que tous les élèves jouissent "d’une chance égale de contribuer aux échanges oraux dans la classe". Elle s’étalera sur plusieurs mois, puisque les élèves concernés seront suivis durant la grande section de maternelle et jusqu’à leur entrée en CP. Le projet prévoit un suivi continu par l’intermédiaire de tablettes et d’une application dédiée, des observations vidéo des regroupements in situ et l’utilisation d’un logiciel d’analyse du comportement. Un volet d’évaluation de l’acceptabilité de l’intervention est aussi prévu, essentiel pour généraliser le dispositif ultérieurement.

 

Entretien avec Sébastien GOUDEAU

Enseignant-chercheur en psychologie sociale à l’université de Poitiers, Sébastien Goudeau a été récompensé pour son projet consacré à une intervention pédagogique "visant à réduire les inégalités de langage liées à l’origine sociale chez les jeunes enfants". Le dispositif sera testé auprès de 40 classes de l’académie de Poitiers.
 

Sur quels outils vous appuyez-vous pour mener cette recherche ?

Notre objectif est d’implémenter et évaluer l’efficacité d’une intervention visant à réduire les inégalités langagières à l’école maternelle. Ce projet part du constat suivant : durant les moments de regroupement, à l’école maternelle, les enfants de milieu populaire s’expriment moins que ceux de milieu favorisé. Nous souhaitons donc implémenter et évaluer l’efficacité d’une intervention visant à réduire ces inégalités langagières, afin de garantir que tous les élèves aient une chance égale de contribuer aux échanges oraux.

Notre intervention consiste à former des enseignants pour les rendre conscients des inégalités de prise de parole et leur fournir des stratégies de distribution équitable de la parole dans leur classe. Afin d’étudier les effets à long terme de l’intervention, les élèves seront suivis de la grande section jusqu’à l’entrée en CP. En outre, nous utiliserons des méthodologies innovantes : suivi continu par l’intermédiaire de tablettes et d’une application dédiée, observations vidéo de moments de regroupement in situ, utilisation d’un logiciel d’analyse du comportement.
 

Quel en sera le déroulement ?

L’intervention se déroule en plusieurs étapes. Elle consiste tout d’abord à porter à la connaissance des enseignants les résultats de la recherche sur les inégalités dans la distribution du temps de parole des élèves en fonction de leur origine sociale. Nous leur expliquerons également d’une part que ces différences peuvent avoir des causes extérieures aux élèves, comme les pratiques familiales ; et d’autre part que ces différences sont malléables. Dans un deuxième temps, nous leur proposerons des stratégies à appliquer dans leurs classes afin de répartir la parole de manière plus équitable. Ces stratégies feront l’objet d’un atelier de co-construction. Pour le groupe contrôle, le déroulement sera similaire, à la différence que la thématique de l’intervention portera sur l’activité physique quotidienne. Pour évaluer l’effet de l’intervention, une mesure des capacités langagières des élèves sera réalisée en début et en fin d’année scolaire. Par ailleurs, des observations vidéo seront réalisées afin de mesurer la participation effective des élèves en classe. Enfin, nous utiliserons également les résultats aux évaluations nationales de CP à la rentrée suivante.
 

Quelles hypothèses souhaitez-vous tester ?

Nos hypothèses sont les suivantes : les élèves de milieu populaire dont les enseignants ont bénéficié de l’intervention devraient prendre davantage la parole que ceux dont les enseignants auront pris part à l’étude dans le groupe contrôle. Ces élèves devraient également voir leurs capacités orales progresser davantage entre la grande section de maternelle et le CP que les élèves de milieu populaire dont les enseignants n’ont pas bénéficié de l’intervention.
 

Pourquoi prévoir d’évaluer "l’acceptabilité" du dispositif ?

Nous évaluons l’acceptabilité de l’intervention dans l’optique d’une généralisation si les résultats s'avèrent concluants.
 

Quelles applications ultérieures peuvent-elles être imaginées ?

Si l’intervention fonctionne, nous pourrions envisager de la développer à plus grande échelle, en proposant par exemple des modules de formation continue dans plusieurs académies. Des capsules vidéo pourraient aussi être réalisées afin de diffuser ces résultats à plus grande échelle.