Facteurs de protection du neurodéveloppement des enfants avec cardiopathie congénitale diagnostiquée en période prénatale : l'étude Neuro-Protect CHD

Troubles du neurodéveloppement en cas de cardiopathie congénitale : des facteurs médicaux, mais pas seulement ! 

Intitulée « Facteurs de protection du neurodéveloppement des enfants avec cardiopathie congénitale diagnostiquée en période prénatale », la recherche postdoctorale en neuropsychologie pédiatrique de Julie Deninotti s’appuie sur un partenariat entre l’Inserm, le Centre neuro-cardiaque de l’hôpital Necker-Enfants malades (où 300 diagnostics annuels de cardiopathie sont effectués) et l’Institut Imagine pour les maladies génétiques. Elle vise à mettre au point des actions préventives pour améliorer la résilience neuropsychologique des enfants malades et la santé mentale de leurs parents.  

Chercheuse postdoctorale à l’Inserm, Julie Deninotti mène ses recherches entre le CHU de Montpellier et l’hôpital Necker. 
 

Entretien avec Julie DENINOTTI

Quelle est la prévalence des cardiopathies congénitales, et quels troubles du neurodéveloppement (TND) les accompagnent-ils ? Pourquoi le devenir neurodéveloppemental des enfants concernés reste-t-il peu documenté ? 

Les cardiopathies congénitales représentent 1% des naissances vivantes. Parmi ces enfants, la moitié d’entre eux environ présentent des séquelles neurodéveloppementales : retards psychomoteurs, troubles des fonctions exécutives, ainsi que des difficultés de régulation émotionnelle. La prévalence des troubles du neurodéveloppement diagnostiqués est supérieure chez les enfants atteints de cardiopathies congénitales, notamment pour le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et les troubles du spectre autistique (TSA). Les progrès de la médecine ayant amélioré les taux de survie de ces enfants, ils ont également permis de mieux observer et de mieux documenter le lien entre cardiopathies congénitales et troubles du neurodéveloppement.
 

Globalement, l’incidence des cardiopathies congénitales progresse. Pour quelles raisons ? 

À vrai dire, cette incidence n’augmente pas en tant que telle. En revanche, les avancées médicales et technologiques des dernières décennies ont permis un meilleur diagnostic et une amélioration significative des taux de survie de ces enfants. En conséquence, de plus en plus de personnes vivent aujourd’hui avec une cardiopathie congénitale.


Votre hypothèse sur les causes des TND semble un peu provocante, puisque vous écrivez que l’influence des variables médicales, bien que significative, resterait « relativement faible en termes de taille d’effet ». Pouvez-vous expliquer pourquoi ? Quelles sont les causes habituellement retenues des TND chez les enfants diagnostiqués avec une cardiopathie congénitale ? 

Il est vrai que les variables médicales – entre autres l’hypoperfusion cérébrale, les interventions chirurgicales périnatales et les hospitalisations prolongées – jouent un rôle très important dans le développement des TND chez ces enfants, en raison de leur impact sur le développement cérébral. Cependant, l’étiologie des TND est multifactorielle. Autrement dit – c’est là notre hypothèse –, au fil du développement de l’enfant, les variables médicales perdent progressivement de leur importance au profit du contexte sociodémographique et de l’environnement : quelles ressources et quelles stratégies sont-elles mobilisées par la famille face à la cardiopathie ? L’accès aux soins est-il optimal ? L’enfant bénéficie-t-il d’un suivi régulier ? Autant de variables qui influencent réellement le pronostic neurodéveloppemental de chaque enfant !


Quelles sont vos hypothèses sur les moyens de prévenir les TND ? 

C’est une question assez vaste, car comme je l’ai déjà mentionné, l’étiologie des troubles du neurodéveloppement est multifactorielle et cumulative. Cependant, une meilleure connaissance des facteurs de neuroprotection pourrait permettre d’infléchir très tôt la trajectoire neurodéveloppementale des enfants. En prénatal, les stratégies de neuroprotection devraient prendre en compte la santé mentale parentale, ce qui implique un accompagnement psychologique des parents après un diagnostic de cardiopathie congénitale. Après la naissance, il faudrait pouvoir assurer un suivi neurodéveloppemental fréquent, car plus les difficultés sont dépistées précocement, plus vite les enfants sont pris en charge par des professionnels adaptés : neuropédiatres, pédopsychiatres, neuropsychologues et psychologues, psychomotriciens, orthophonistes… Enfin, du point de vue sociodémographique, il faudrait faciliter l’accès aux soins de toutes les familles, avec des dispositifs dédiés. 


Comment ces actions de prévention seront-elles testées, voire étendues dans un second temps au bénéfice des enfants malades et de leurs familles ?

Nous aimerions intégrer ces différents volets de prévention dans la pratique clinique courante au Centre neuro-cardiaque de l’hôpital Necker-Enfants malades, à Paris. Nous proposons d’ores et déjà le dépistage systématique et développons actuellement le maillage entre les différents professionnels autour des enfants et de leurs familles. Nous souhaitons désormais aller plus loin, avec un suivi familial précoce, mieux intégré, plus durable et mieux adapté.