Etre enfant pendant la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962)

Agrégée d’histoire et Normalienne, Lydia Hadj-Ahmed a consacré son mémoire de Master 2 au quotidien des civils dans deux villages de Grande-Kabylie pendant la guerre d’Algérie, la "guerre d’indépendance". Elle a poursuivi ce travail à l’université de Rouen en consacrant sa thèse au vécu des enfants durant la guerre, grâce à un recueil d’entretiens oraux à mener rapidement, les témoins directs de la guerre s’éteignant peu à peu.

Son travail s'est organisé autour de trois problématiques :

  • La compréhension de ce qu’est un enfant musulman dans l’Algérie coloniale des années 1950, tout d’abord : son identité "indigène" est-elle comparable à celle de ses parents ?
  • Le vécu concret de la guerre par les enfants, ensuite : quelle part y ont-ils pris, quelle était la situation des enfants dans des familles aux pères ou aux frères absents ?
  • Et enfin, la représentation de la guerre par les enfants : en quoi diffère-t-elle de celle de leurs aînés ? Varie-t-elle selon le sexe ?

Son objectif était de renouveler l’historiographie de l’enfance en guerre, une discipline apparue dans les années 1990, en se plaçant du point de vue de l’enfant lui-même et de la spécificité de son regard, et ce, sur un terrain peu exploré – celui des colonies. Cela a impliqué notamment de s’intéresser aux stratégies d’adaptation des enfants, considérés comme des acteurs à part entière et non simplement comme des victimes passives.

Entretien avec Lydia HADJ-AHMED

Mon projet de thèse « Être enfant pendant la guerre d’indépendance algérienne » recouvre trois problématiques. Tout d’abord, la définition de l’identité « indigène » d’un enfant « musulman » dans l’Algérie coloniale des années 1950, selon les catégories de recensement de l’époque. Ensuite, la description du vécu concret des enfants durant le conflit, afin de comprendre comment ces enfants ont vécu la guerre.

Pour cela, je chercherai à reconstituer la diversité et l’hétérogénéité de leurs trajectoires dans le cadre d’une histoire de la vie quotidienne en guerre ; tout en prenant en compte les variables régionales, de classe sociale mais aussi de genre. Enfin, ce travail tentera de mesurer l’efficacité des discours dont les enfants sont l’objet dans le cadre d’une propagande aussi bien française que nationaliste. Car, dans une guerre de décolonisation dont l’enjeu n’est pas seulement militaire mais aussi politique, les adultes cherchent en retour à façonner l’enfance algérienne et à se l’approprier.
 

L’enfance, enjeu privilégié

Cette thèse porte sur un terrain assez peu exploré du point de vue des enfants – celui des colonies. Un terrain d’autant plus riche, durant la guerre d’indépendance algérienne,que les enfants, majorité numérique de la société algérienne, constituent une cible privilégiée d’une guerre totale impliquant aussi les civils.
 

Historiographie à renouveler 

Je souhaite renouveler l’historiographie de la guerre d’indépendance algérienne en me plaçant dans le sillage de recherches menées dès les années 1990, qui ont porté sur l’enfance durant divers conflits. À l’aide de sources nouvelles, notamment des journaux intimes, des entretiens oraux avec des adultes ayant vécu le conflit enfants et des dessins d’enfants, cette historiographie s’est récemment renouvelée en se plaçant à « hauteur d’enfant » (Manon Pignot). Dans une démarche similaire, je souhaite écrire l’histoire du conflit algérien du point de vue des enfants eux-mêmes, en tant qu’acteurs à part entière et non simplement comme victimes passives.