Apprendre à se souvenir : amnésie infantile et maturation du circuit des structures temporales mésiales

C’est au sein d’une unité de recherche localisée à NeuroSpin, au CEA de Saclay (Essonne), la NeuroImagerie Applicative Clinique et Translationnelle (UNIACT), qu’Antoine Bouyeure a débuté sa thèse en 2017. Elle était consacrée aux relations entre les grandes périodes développementales de la mémoire épisodique – la forme de mémoire qui permet de se souvenir de faits ou d’événements passés – et la maturation anatomique et fonctionnelle des zones cérébrales impliquées dans le développement des capacités mnésiques. Il a mobilisé pour cela des outils propres à plusieurs disciplines, neuropsychologie et neurosciences cognitives notamment.

Le développement de la mémoire épisodique suit trois grandes phases. L’amnésie infantile (2-4 ans), tout d’abord, qui désigne la disparition ultérieure des souvenirs formés avant ces âges-là. L’amnésie de l’enfance (4-10 ans), ensuite, c’est-à-dire l’oubli relatif des souvenirs formés durant cette époque. Et l’émergence puis la maturation de la mémoire épisodique, à partir de 7 ans et jusqu’à la fin de l’adolescence.

Les bases neurales de ces amnésies demeurent mal connues, sans doute parce que soumettre de très jeunes enfants à des examens de neuro-imagerie reste compliqué, même dans le cadre d’un projet de recherche. Or Antoine Bouyeure possédait déjà une expérience dans ce domaine et bénéficiait de l’accès à un scanner de pointe, à Neurospin. Il a donc associer, pour sa recherche, des données d’IRM anatomique et d’IRM fonctionnelle de repos, outre des mesures comportementales des compétences en mémoire épisodique des jeunes enfants.

Entretien avec Antoine BOUYEURE

Quelles sont les relations entre les grandes périodes développementales de la mémoire épisodique (ME) – la forme de mémoire qui permet de se souvenir de faits ou d’événements passés – et la maturation anatomique et fonctionnelle des zones cérébrales impliquées dans le développement des capacités mnésiques ? Telle est la question à laquelle je souhaite répondre dans le cadre de ma thèse.
 

Une carence dommageable

Les bases neurales de la ME durant la petite enfance restent peu connues. Or cette carence est problématique, puisque les études comportementales identifient cette période de l’existence comme une étape clef du développement de la mémoire, caractérisée par la croissance exponentielle des souvenirs épisodiques. De fait, mieux connaître les modalités du développement de la mémoire est susceptible d’applications dans deux domaines majeurs au moins : la prise en charge des pathologies pédiatriques avec troubles mnésiques (épilepsies, dysgénésies, autisme, stress post-traumatique) et l’élaboration de méthodes d’apprentissage adaptées.
 

Une thèse transdisciplinaire

Cette lacune des connaissances s’explique en partie par la complexité de l’acquisition des données en neuro-imagerie chez les très jeunes enfants. J’ai justement une expérience dans ce domaine et bénéficie en outre, pour mes recherches, de l’accès à un scanner de pointe, à Neurospin. Je pourrai donc récolter des données d’IRM anatomique et d’IRM fonctionnelle de repos. 
J’associerai ces données neurologiques à des mesures comportementales des compétences en ME des jeunes enfants. Dans le cadre de ma thèse, je souhaite en effet mobiliser les outils de plusieurs disciplines : neuropsychologie, neurosciences et psychanalyse notamment.  Titulaire d’un M2 en neurosciences cognitives et comportementales à l’université Pierre-et-Marie-Curie, je suis d’ailleurs aussi diplômé d’un Ml en neuropsychologie et d’une licence de psychologie de l’université Paris-Descartes.