Mécanismes de l’habituation chez les nouveau-nés prématurés et à terme. Étude de la réponse comportementale, corticale et sympathique

Alors interne de pédiatrie au centre hospitalier universitaire de Brest, Iona Sicard-Cras a remporté la Bourse de Recherche Vulnérabilités 2018 pour sa recherche intitulée : "Mécanismes de l’habituation chez les nouveau-nés prématurés et à terme. Étude de la réponse comportementale, corticale et sympathique", dans le cadre du Master 2 Neurosciences cliniques de l’université de Brest.

Sensible à la grande complémentarité entre le monde de la recherche et celui de la pratique clinique en réanimation pédiatrique et néonatale, la médecin s’est intéressée à un sujet peu exploré à ce jour : l’accoutumance du bébé prématuré, hospitalisé durant plusieurs semaines, à des procédures nombreuses, douloureuses ou stressantes.

"L’habituation" désigne en effet le processus permettant au nourrisson de diminuer sa réponse comportementale à un stimulus lorsque celui-ci est répété, qu’il soit visuel, auditif ou tactile. C’est par exemple ce qui permet au nourrisson de dormir, y compris dans un environnement bruyant et lumineux. Le nouveau-né prématuré semble disposer d’une habituation moins efficace que celui né à terme, mais cela n’a pas encore été clairement démontré. Or l’enjeu est majeur, puisque l’habituation influence favorablement le développement neurologique ultérieur.

Iona Sicard-Cras s’est tout d’abord attachée à comparer les données de l’habituation entre bébés nés à terme et bébés prématurés, puis à vérifier la pertinence du score "APIB" (Assessment of Preterm Infant Behavior) pour prédire une altération du sommeil et/ou de l’évolution cognitive ultérieures. Elle a enfin procédé à la comparaison du développement cognitif à l’âge de 2 ans d’enfants nés à terme et de manière prématurée, et à la corrélation entre les réponses comportementales et d’autres paramètres, corticaux et hormonaux notamment.

Entretien avec Iona SICARD-CRAS

Quels sont les enjeux d’une bonne habituation dès la naissance ?

Les enjeux sont multiples. En effet, une mauvaise capacité d’habituation entraîne une moins bonne capacité du nouveau-né à intégrer une stimulation et à s’y familiariser. Une mauvaise habituation entraîne donc une plus grande sensibilité du nouveau-né à son environnement notamment sonore et lumineux. Cette sensibilité peut altérer fortement la qualité du sommeil. Or la privation de sommeil est corrélée à une altération du développement cognitif. Ainsi, la qualité de l’habituation dès la naissance conditionnera en partie le développement cognitif du nouveau-né.
 

Que sait-on aujourd’hui de l’habituation des nouveau-nés prématurés ?

Les nouveau-nés prématurés semblent avoir une habituation moins efficace que les nouveau-nés à terme, sans que cela n’ait été clairement démontré, car peu d’études se sont intéressées au phénomène d’habituation en soi. Quelques études portant sur le développement cognitif du nouveau-né prématuré utilisent des échelles d’habituation. Pour autant, on connaît peu le mécanisme même d’habituation, notamment sur les plans cortical [relatif au cortex] et sympathique [un des composants du système nerveux végétatif, qui assure des fonctions automatiques de l’organisme comme la digestion, la respiration, la circulation sanguine…].
 

Comment mesurer l’habituation et son évolution dans le temps ?

Plusieurs méthodes ont été utilisées pour évaluer l’habituation des nouveau-nés. L’échelle dite APIB (Assessment of Premature Infant Behaviour, évaluation du comportement du nouveau-né prématuré) développée par la psychologue américaine Heidelise Als à partir de « l’échelle de Brazelton » (Neonatal Behavioral Assessment Scale) permet d’évaluer l’habituation et le développement neurocomportemental des prématurés, mais également de nouveau-nés à terme. Dans cette échelle, l’analyse du comportement de l’enfant se fait par l’évaluation de différents systèmes : le système végétatif, le système moteur, les états de veille-sommeil, le système interaction. Cette échelle d’évaluation s’applique jusqu’à un mois de vie après la date théorique d’accouchement. Plus tard, le développement cognitif s’évalue par d’autres échelles ou questionnaires.