Produits cosmétiques et grossesse : usage, effets de santé et stratégies de prévention

Réduire l’exposition aux produits chimiques durant la grossesse

Les femmes enceintes utilisent en moyenne 18 cosmétiques chaque jour, produits dont la composition inclut parfois des agents chimiques tels que phtalates, parabènes et éthers de glycols. Si les pesticides ont des effets connus sur la santé de l’enfant, qu’en est-il des produits cosmétiques, en apparence peut-être moins nocifs ? C’est une des questions auxquelles Marie Gicquel consacre sa thèse en santé publique-épidémiologie à l’Institut de recherche en santé, environnement et travail, à Rennes (Inserm/université de Rennes/EHESP), intitulée « produits cosmétiques et grossesse : usage, effets de santé et stratégies de prévention ». Le lien entre usage de cosmétiques pendant la grossesse et santé de l’enfant – en particulier santé respiratoire –, reste en effet mal documenté. Marie Gicquel souhaite aussi évaluer les connaissances et pratiques des professionnels de santé dans ce domaine : sont-ils à même de jouer un rôle de prévention auprès des futures mères ? 

Entretien avec Marie GICQUEL

Qu’est-ce qui vous a amenée à travailler sur l’exposition des femmes enceintes aux produits chimiques, pesticides d’abord puis cosmétiques dorénavant ?

En tant que sage-femme, j’ai souvent observé que les femmes enceintes sont un public accessible pour faire passer des messages de prévention, car elles ont la responsabilité d’un futur nouveau-né, mais ne disposent pas toujours de repères clairs sur la complexité des expositions environnementales. Mon intérêt pour la santé environnementale est né de cette réalité de terrain, puis s’est approfondi au cours de mon Master de santé publique. J’ai d’abord étudié les pesticides, dont les effets sur la santé périnatale sont mieux documentés. Les cosmétiques, en revanche, représentent une source d’exposition quotidienne et diffuse qui ne fait l’objet que d’une timide connaissance. J’ai donc souhaité explorer ce champ encore peu investigué, à la croisée entre santé publique, prévention et pratiques de soins.


À votre avis, faut-il envisager de nouvelles recommandations nationales sur les expositions environnementales de la femme enceinte ? 

Il existe déjà des recommandations nationales depuis 2021, avec notamment le chapitre 5 des Interventions pendant la période périnatale éditées par le Collège des sages-femmes de France. Ce sont des recommandations claires et applicables : réduire le nombre, la fréquence d’utilisation et la quantité appliquée de cosmétiques ; privilégier des produits simples, sans parfum et rinçables. Ce qui reste difficile, c’est que ces recommandations soient effectivement connues et diffusées : d’abord par les professionnels de santé, puis par les couples eux-mêmes. L’enjeu aujourd’hui est donc de renforcer l’application de ces recommandations sur le terrain. 


Quelle est votre hypothèse s’agissant du degré de connaissance par les professionnels de santé des risques liés à l’usage de cosmétiques ? Envisagez-vous d’ores et déjà que leur formation en santé environnementale devrait être renforcée ? 

Nous faisons l’hypothèse que les professionnels de santé, bien qu’attentifs aux questions de prévention et à la santé de leurs patients, disposent de connaissances encore limitées et hétérogènes quant aux risques liés aux cosmétiques. La formation initiale en santé environnementale reste marginale, alors même que les soignants sont des relais essentiels d’information auprès des patientes. Renforcer ces compétences, c’est leur permettre d’adopter eux-mêmes des pratiques plus saines et de mieux accompagner les futurs parents, sans dramatiser. Cet axe de ma thèse vise à dresser un état des lieux précis pour construire ensuite des outils pédagogiques adaptés.


Vous souhaitez construire « une librairie de suspects orientée produits cosmétiques et ménagers » la plus exhaustive possible. De quoi s’agit-il ? Quel en sera l’usage ?

Il s’agit d’une base de données recensant les substances chimiques présentes dans les cosmétiques ainsi que les produits ménagers, et susceptibles d’avoir des effets sur la santé. L’objectif est d’identifier les polluants les plus pertinents à doser dans les études biologiques et de faciliter les recherches futures sur leurs effets sanitaires. C’est un travail collaboratif qui vise à mieux relier les usages réels aux expositions mesurées et à prioriser les actions de prévention. 


Maternités et cabinet libéraux proposent de plus en plus d’ateliers de prévention en santé environnementale aux femmes enceintes. Que sait-on aujourd’hui de leur efficacité ? Que souhaitez-vous évaluer ? 

Les ateliers de prévention se développent rapidement, mais peu d’études ont évalué leur efficacité réelle. Nous savons qu’ils favorisent la prise de conscience et l’envie de changer certaines habitudes, mais leur impact concret sur les expositions biologiques reste à démontrer. Notre objectif est donc d’évaluer, de manière scientifique, si ces ateliers modifient les usages de cosmétiques et réduisent les concentrations urinaires de certains métabolites chimiques. Ce volet de recherche vise à  travailler sur l’amélioration des messages de prévention et de promotion de la santé envers les patients.