Accompagnement de la grossesse et de la naissance en filière physiologique par rapport en filière conventionnelle : effet sur la voie d’accouchement et la santé périnatale

Sage-femme au CHU de Rennes, Marion Monperrus s’est vu attribuer une Bourse pour sa thèse en science à l’université Rennes 1, intitulée "Accompagnement de la grossesse et de la naissance en filière physiologique par rapport en filière conventionnelle : effet sur la voie d’accouchement et la santé périnatale".

Une « filière physiologique » (FP) est une filière de soins innovante dédiée à la prise en charge de la grossesse et de l’accouchement des femmes à bas risque obstétrical, sans intervention humaine et donc, notamment, sans anesthésie péridurale. En France, ces dernières années, quatre FP ont été mises en place à titre expérimental dans des structures hospitalières, au CHU de Rennes notamment.

Avec quels fruits ? C’est la question à laquelle souhaite répondre Marion Monperrus. Pour cela, elle comparera les parcours conventionnels aux parcours en FP, en s’intéressant au mode de naissance (voie basse spontanée ou autre) et à la santé de la mère et de l’enfant : mise en place du lien mère-enfant, vécu de l’accouchement, dépression du post-partum. En outre, grâce à l’implication des couples lors de la grossesse et de la naissance, bien accompagnés par les sages-femmes dans le cadre des FP, le vécu de l’accouchement devrait être meilleur y compris en cas de naissance compliquée, et donc l’état psychique des parents après la naissance : c’est aussi une hypothèse que Marion Monperrus souhaite éprouver. En jeu, in fine : le déploiement des filières FP dans d’autres maternités.

 

 

Entretien avec Marion MONPERRUS

Sage-femme au CHU de Rennes, Marion Monperrus consacre sa thèse à « l’accompagnement de la grossesse et de la naissance en filière physiologique (FP) par rapport à la filière conventionnelle : effet sur la voie d’accouchement et la santé périnatale » (université Rennes 1). Il s’agit d’une filière de soins innovante dédiée aux femmes à bas risque obstétrical et ne comportant pas d’intervention humaine – sauf nécessité médicale, bien entendu. La France compte quatre de ces filières, actuellement en cours d’expérimentation.
 

Des premiers bilans de cette filière ont-ils déjà été dressés ?

Les études disponibles en France et à l’étranger se sont limitées à mettre en évidence qu’un accompagnement hors filière conventionnelle (FC), comme dans l’accouchement à domicile ou en maison de naissance, n’augmente pas la morbidité maternelle ni néonatale. Mais aucune étude n’a encore porté sur la comparaison entre FP et FC. « PhysioCare » sera la première étude française à s’intéresser à cette thématique et à évaluer les filières de soins telles que les FP, avec une approche quantitative mais également qualitative et médico-économique.
 

Quelles sont vos hypothèses quant au rôle de la FP dans le vécu de la grossesse et l’accouchement, la santé de la mère et l’enfant, la mise en place de l’allaitement ?

Pour les femmes à bas risque obstétrical, la prise en charge en FP versus en FC devrait montrer de meilleurs indicateurs de la salutogénèse en périnatalité, c’est-à-dire des indicateurs positifs liés aux soins de prévention qui permettent de préserver la santé et le bien-être en limitant les interventions et leur iatrogénie associée. Et notamment, plus de naissances par voie basse spontanée. De ce fait, une augmentation du taux d’allaitements maternels conduits avec succès est attendue. Nous faisons l’hypothèse que cet accompagnement en FP permettrait aux couples de vivre l’événement de la naissance dans la plus grande sécurité médicale et affective et de s’investir pleinement dans leur parentalité, avec un impact positif sur le vécu de la naissance, la mise en place du lien mère-enfant et l’état psychique des jeunes parents dans le post-partum. Nous envisageons également que la prise en charge en FP pourrait être plus efficiente que la FC du point de vue de la collectivité.
 

Sur quelles sources, qualitatives ou quantitatives, votre recherche s’appuie-t-elle ?

Sur le plan quantitatif, les données en lien avec la grossesse, la naissance et le post-partum jusqu’à 6 semaines pour la mère et son enfant ont été récupérées via le dossier médical à la maternité et grâce à des questionnaires auto-administrés remplis par la mère à différentes étapes : inclusion, 2 jours, 3 semaines et 6 semaines après la naissance. Ces questionnaires auto-administrés comportaient également des échelles permettant d’évaluer le développement du lien mère-enfant et le niveau de traumatisme en lien avec l’accouchement pour les femmes, ainsi que le vécu de la naissance et la dépression du post-partum pour les couples (les coparents ont rempli deux questionnaires : 2 jours puis 6 semaines après la naissance).

Sur le plan qualitatif, par ailleurs, un échantillon de couples a réalisé des entretiens semi-directifs avec une psychologue chercheuse 6 semaines après l’accouchement, afin d’évaluer les représentations, vécus et ressentis dans chacune des filières. Des entretiens auprès des sages-femmes sont actuellement en cours ; ils permettront d’appréhender les représentations et vécus de l’organisation des soins par les sages-femmes exerçant dans l’une ou l’autre filière. Enfin, les données sur la consommation de soins obtenues par les questionnaires complétés par les mères et une extraction des données du PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d’information) permettront de réaliser l’analyse médico-économique.
 

Quelles suites pratiques escomptez-vous de cette recherche ? Les FP sont-elles appelées à se multiplier ?

Ces résultats permettront d’apporter aux pouvoirs publics et aux structures hospitalières des éléments de réflexion quant à l’intérêt de pérenniser et déployer ce type de filière en France. Cette diversification de l’offre de soins en périnatalité répondrait à la demande des couples, sans surcoût pour ces derniers et donc, quel que soit leur niveau socio-économique (pas de dépassement d’honoraires en FP comme cela peut être le cas dans d’autres modes de prise en charge). Elle répondrait aussi au souhait des sages-femmes de personnaliser l’accompagnement à la naissance dans le respect de la physiologie. Les filières conventionnelles pourront aussi bénéficier de certaines retombées positives mises en avant dans « PhysioCare » : consultations plus longues, sage-femme référente pendant le suivi de grossesse, prise en charge one-to-one pendant le travail…