Stratégies de prévention de l’obésité infantile : impact des facteurs liés au mode de vie familial dans les 1 000 premiers jours de vie

Sage-femme de formation et chercheuse postdoctorale à l’Inserm, Marion Lecorguillé s’intéresse aux "stratégies de prévention de l’obésité infantile : impact des facteurs liés au mode de vie familial dans les 1 000 premiers jours de vie", un projet également conduit au CRESS (Centre de recherche en épidémiologie et statistiques).

En France, le surpoids et l’obésité concernent au moins 12 % des enfants de 5-6 ans (données de 2013). L’objectif de la jeune femme est donc d’identifier des facteurs d’obésité infantile lies au mode de vie familial – pas seulement maternel – et en particulier "des facteurs modifiables du comportement et des leviers d’action" afin d’ébaucher des pistes de prévention.

Les "1000 premiers jours" constituent un moment propice pour prévenir l’obésité et promouvoir, à plus long terme, la santé de l’enfant. Plusieurs facteurs individuels de risque ont déjà été identifiés : statut pondéral des parents, tabagisme maternel durant la grossesse, gain de poids rapide la première année de vie. Mais peu d’études ont adopté une approche globale, considérant le mode de vie familial : alimentation, activité physique ou sédentarité, IMC (indice de masse corporelle) des deux parents, tabagisme…

Pour identifier des facteurs comportementaux pertinents et déterminer des profils de familles à risque, Marion Lecorguillé analysera les deux cohortes françaises EDEN (déterminants pré- et postnatals précoces du développement et de la santé de l’enfant) et Elfe (suivi sanitaire, social et environnemental de l’enfant).

 

Entretien avec Marion LECORGUILLÉ

Sage-femme de formation et chercheuse postdoctorante à l’Inserm, Marion Lecorguillé s’intéresse aux "stratégies de prévention de l’obésité infantile : impact des facteurs liés au mode de vie familial dans les 1 000 premiers jours de vie". Objectif : identifier des leviers d’action pour prévenir très précocement la survenue du surpoids et de l’obésité, qui concerne plus de 12 % des enfants de 5 à 6 ans en France.
 

Pourquoi se concentrer sur les 1000 premiers jours ?

De la conception aux deux ans de l’enfant, les 1000 premiers jours constituent une période déterminante pour le développement de l’enfant, qui contient les prémisses de la santé et du bien-être de l’individu tout au long de la vie. Garantir la bonne santé et le développement des enfants aujourd’hui, c’est donc agir pour les parents, les citoyens et la société de demain. L’OMS et Santé Publique France considèrent d’ailleurs les "1000 jours" comme une fenêtre d’opportunité unique pour mettre en place des stratégies de prévention précoces du risque chronique de maladie. Cette période représente également un moment important dans la vie des parents, où ils se posent de nouvelles questions et sont susceptibles d’effectuer des choix plus adaptés pour la santé de leur bébé.
 

Quels facteurs d’obésité infantile sont-ils déjà identifiés ?

Plusieurs revues systématiques de la littérature ont synthétisé les résultats des études observationnelles reliant des expositions précoces sur la période de la conception à 2 ans ou 5 ans avec le surpoids de l’enfant. Plusieurs facteurs maternels ont été décrits, tels que l’indice de masse corporelle, la prise de poids gestationnelle, le tabagisme, la qualité de l’alimentation et l’activité physique. Des études ont aussi commencé à rapporter des associations entre certains facteurs de risque liés au père et l’obésité de l’enfant. Cependant, la majorité de ces données ont évalué le rôle des facteurs en les considérant isolément dès la période prénatale, mais peu d’études ont eu recours à une approche plus globale, prenant en compte de façon holistique et intégrée un ensemble de facteurs liés au mode de vie familial.
 

Vous mettez l’accent sur le rôle des "comportements familiaux". De quoi s’agit-il ?

Mon objectif est d’identifier des profils familiaux liés au mode de vie des deux parents (incluant leur statut pondéral, la prise de poids gestationnelle, la consommation de tabac, l’alimentation ou l’activité physique) et d’évaluer si ces profils peuvent être associés et prédire de manière synergique le risque futur d’obésité chez l’enfant. Les premiers résultats de ce projet ont permis d’identifier des profils concordants dans les deux cohortes de naissance françaises. Un premier profil familial est caractérisé par une plus forte consommation de tabac chez les parents et une faible qualité de l’alimentation maternelle. Un deuxième profil est plutôt défini par un IMC parental élevé et une faible prise de poids gestationnelle. La suite de ce travail visera à étudier les déterminants sociaux de ces profils, en ciblant les inégalités socio-économiques (notamment le niveau d’instruction, les revenus du ménage, le statut d’emploi), l’origine géographique, les facteurs psycho-sociaux (comme le stress, l’anxiété) ou l’accès aux soins de santé.
 

Comment procédez-vous concrètement ?

Mon projet porte sur deux cohortes de naissance françaises : EDEN, qui inclut plus de 2000 familles recrutées dans les maternités de Nancy et Poitiers entre 2003 et 2006 ; et Elfe, qui comprend plus de 18 000 familles sélectionnées dans 320 maternités métropolitaines en 2011. Elles comportent des données sur les facteurs socio-démographiques, le mode de vie et les antécédents médicaux durant la période pré-conceptionnelle, la grossesse ou la petite enfance. Enfin, les données anthropométriques de l’enfant, mesurées par les enquêtrices sages-femmes ou reportées dans le carnet de santé, ont été recueillies.
 

Quelles pistes de prévention imaginez-vous dès à présent ?

Ce projet permettra d’apporter de nouveaux arguments à la mise en place de stratégies de prévention de l’obésité infantile. Cela, en ciblant les familles dans l’ensemble de la population ; ou d’une manière personnalisée, à destination et en collaboration avec les populations en situation de vulnérabilité, par le biais de partenariats noués avec les professionnels de santé, les acteurs gouvernementaux et de terrain. L’objectif est de guider les futurs parents et de les encourager à adopter un mode de vie favorable à la santé pour eux-mêmes et pour leur enfant à naître.