Corps, enfantement, filiation. L’institution de la famille contemporaine

Sage-femme à la maternité des Bluets (Paris), Hélène Malmanche a consacré sa thèse de sociologie, réalisée à l’EHESS/Paris-2, au sujet suivant : "Corps, enfantement, filiation. L’institution de la famille contemporaine".

Le lien entre enfantement, engendrement et filiation est remis en cause par les techniques de procréation médicale assistée (PMA), et c’est ce qui intéressait la chercheuse. À travers une approche pluridisciplinaire alliant investigation anthropologique (observation) et sociologique (conduite d’entretiens), la jeune femme a voulu comparer l’institution des statuts sociaux à travers les "rites de parentalité" en France, aux États-Unis et en Belgique. Pour cela, elle a procédé à une analyse de la littérature médicale et des dispositions juridiques dans ces trois pays.

Le parti-pris méthodologique d’Hélène Malmanche a été d’étudier les marges pour éclairer la norme. Elle a donc comparé les divers modes d’accession à la parentalité contemporaine : couples de femmes ayant recours à un don de sperme (20 cas différents), couples hétéro- ou homosexuels ayant recours à la gestation pour autrui (GPA) (30 cas), femmes ayant recours au don d’ovocyte (20 cas) et couples "ordinaires" (30 cas), "majorité silencieuse trop souvent oubliée par les sciences sociales", estime-t-elle. Avec l’idée de "se concentrer sur la GPA et la maternité lesbienne, qui me semblent les plus puissants révélateurs du travail de parentalité".

Pour ce faire, elle a réalisé des entretiens avec des professionnels de la maternité des Bluets et du centre hospitalier Saint-Pierre (Belgique) ; des femmes et des hommes ayant recours aux techniques de PMA et des gestatrices nord-américaines ayant porté des enfants pour des couples français.

Entretien avec Hélène MALMANCHE

Ma thèse de sociologie s’inscrit au cœur des problématiques liées à l’avènement des nouvelles techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) et aux interrogations qu’elles soulèvent quant à l’engendrement. Il s’agit d’étudier dans trois pays différents – durant le temps de la grossesse et de l’accouchement – les interactions entre le corps médical, les personnes et les institutions qui façonnent le statut de parent des personnes ayant recours à de telles techniques, apportant un éclairage nouveau sur la "parentalité ordinaire".
 

Méthodologie comparative et objectifs de la thèse

Je privilégie une approche pluridisciplinaire alliant les techniques d’investigation anthropologique (par l’ethnographie) et sociologique (par les entretiens), ainsi que l’analyse critique socio-anthropologique de la littérature médicale et des dispositions juridiques françaises, nord-américaines et belges en matière de PMA et de filiation.

Je comparerai plusieurs situations : couples de femmes ayant eu recours à un don de sperme, couples hétérosexuels ou couples d’hommes ayant eu recours à une gestation pour autrui (GPA), femmes ayant eu recours à un don d’ovocyte et enfin couples « ordinaires », majorité silencieuse souvent oubliée par les sciences sociales aujourd’hui. L’originalité de mes travaux repose sur l’analyse comparative de plusieurs modes de procréation minoritaires (maternités lesbiennes, don d’ovocyte), voire "à la marge" (GPA), qui me semblent les plus puissants révélateurs du travail de parentalité qui n’est pas moins présent dans la procréation charnelle ordinaire.

Pour ce faire, je réaliserai des entretiens avec des professionnels de la maternité des Bluets (Paris) et du Centre Hospitalier Saint-Pierre (Bruxelles), avec des femmes et des hommes ayant recours aux techniques de PMA précédemment évoquées, ainsi que des gestatrices nord-américaines ayant porté des enfants pour des couples français. Je mènerai des enquêtes de terrain dans ces deux centres pour enrichir les entretiens grâce à l’analyse ethnographique.