Enquête sur l’accouchement à domicile (AAD)

Sage-femme à la maternité des Bluets, à Paris, Céline Puill a effectué une "enquête sur l’accouchement à domicile (AAD)" dans le cadre de son Master 2 à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) sous la direction de Geneviève Pruvost, chargée de recherche au CNRS à l’Institut Marcel Mauss.

En 2014 en France, 1 à 2 % des parents seulement optaient pour l’accouchement à domicile (AAD), autrefois la norme. Quoique minoritaire, expliquait la chercheuse, "cette pratique interroge le modèle dominant de la naissance en France, la séparation entre physiologie et pathologie". D’ailleurs, des patients et des professionnels en nombre croissant s’interrogent sur la médicalisation de la naissance, quelquefois qualifiée de "surmédicalisation", rejoints par l’Organisation mondiale de la santé, qui déplore, entre autres, le recours trop fréquent aux césariennes.

Céline Puill a souhaité à la fois améliorer les connaissances sur les professionnels et les usagers qui choisissent l’AAD et proposer un point de vue renouvelé – parce que hors normes – sur la médicalisation de la naissance. Pour cela, elle a réalisé une analyse ethnographique des pratiques à l’œuvre dans l’accouchement à domicile, servie par sa double compétence d’étudiante en sciences sociales et de sage-femme confirmée, en lien avec un cabinet de sages-femmes libérales pratiquant l’ADD en région parisienne.

Entretien avec Céline PUIL

Autrefois la norme, l’accouchement à domicile (AAD) est une pratique minoritaire en France (moins de 1 % des accouchements). De fait, les conditions de réalisation du projet d’AAD sont difficiles.
 

Un révélateur des normes périnatales

Aucune assurance ne prend en charge les sages-femmes dans ce cadre – ou alors à un tarif ne leur permettant pas de subvenir à leurs besoins. Elles sont d’ailleurs moins d’une centaine à exercer cette activité.

C’est justement le statut minoritaire de cette pratique qui permet d’interroger le modèle dominant de la naissance en France. Pour cela, je souhaite prolonger les conclusions des travaux de Madeleine Akrich et Bernike Pasveer (1), qui comparent les modèles de soins périnataux en France et aux Pays-Bas, où l’AAD représente plus de 16 % des accouchements. Ces deux sociologues montrent qu’il existe des conceptions différentes en matière de naissance : "risquée" en France, "physiologique" aux Pays-Bas.

S’intéresser à la thématique de l’AAD en France, c’est donc explorer la question plus générale de la médicalisation de la naissance. De fait, aujourd’hui, de plus en plus de patients et de professionnels de santé s’interrogent sur la surmédicalisation de la naissance en France.
 

Trois volets

J’articule trois volets : entretiens avec les futures parturientes ; étude ethnographique (c’est-à-dire observation sur un temps long des pratiques sociales d’un milieu donné) d’un cabinet de sages-femmes libérales pratiquant l’ADD en région parisienne ; étude de la presse sur le sujet depuis dix ans. Je souhaite ainsi améliorer les connaissances sur les professionnelles et les usagers qui y ont recours, afin de contribuer à des choix politiques éclairés en matière de naissance.
 
(1) Akrich Madeleine, Pasveer Bernike « Comment la naissance vient aux femmes, les techniques d’accouchement en France et aux Pays-Bas », Édition Les empêcheurs de penser en rond, Paris, 1996, 194 pages.