Vécu des mères et de leur entourage à l’occasion d’un retour précoce à domicile après la naissance d’un enfant

Sage-femme enseignante à l’institut Gernez Rieux, dans le Nord, Anne Dubos a consacré son doctorat au "vécu des mères et de leur entourage à l’occasion d’un retour précoce à domicile après la naissance d’un enfant" sous la direction de Bernadette Tillard, professeur des universités à l’Institut de sociologie et d’anthropologie de Lille-1.

Alors que la tendance à l'époque était à la réduction du séjour en suites de couches, Anne Dubos a constaté que l’entourage, autrefois très présent auprès de l’accouchée, n’est souvent plus en situation d’apporter une aide significative. Les accouchées peuvent donc se sentir très isolées à leur retour à domicile, ayant quitté le service aux deuxième ou troisième jours, fatiguées, au moment de la montée de lait, éventuellement dans une phase de baby-blues… Au point que Myriam Szejer a pu écrire, dans La naissance. Histoire, cultures et pratiques d’aujourd’hui (Albin Michel, 2010) que "jamais une société humaine n’a laissé les accouchées aussi seules".

Pour mener à bien sa recherche, Anne Dubos a collaboré étroitement avec la maternité de Roubaix, qui a mis en place un dispositif de retour précoce dès 2008, avec un suivi à domicile par une sage-femme libérale. Procédant par entretiens et observations des femmes à quelques jours puis à distance de l’accouchement, elle a cherché à répondre aux questions suivantes : quels sont les avantages et les inconvénients du retour précoce tels que perçus par les familles ? Quel est le suivi dont elles bénéficient ? Quelle part de soutien aux parents est-elle apportée par le dispositif, et quelle part assurée par l’entourage ?

Sa thèse a donc permis de mieux connaître le point de vue des usagers de la maternité de Roubaix et par conséquent, d’adapter le dispositif du retour précoce à domicile.

Entretien avec Anne DUBOS

Soutenue en décembre 2017, la thèse de doctorat d'Anne Dubos, lauréate du Prix de Maïeutique en 2014, porte sur le "vécu des mères et de leur entourage à l’occasion d’un retour précoce à domicile après la naissance d’un enfant".
La tendance actuelle est à la réduction de la durée du séjour en suites de couches.

Comment le retour à domicile précoce est-il vécu par les accouchées ? Quel est le suivi dont elles bénéficient ? Quelle est la part de soutien apportée par la maternité ? Par l’entourage ? Pour le savoir, Anne Dubos a effectué ses recherches à la maternité de Roubaix, ville qui a la particularité d’être l’une des villes les plus pauvres de France avec un taux de chômage de plus de 30%. La maternité a mis en place un dispositif d’accompagnement au retour précoce dès 2008, avec un suivi à domicile par une sage-femme libérale. Pour la thèse, les mères ont été rencontrées à la maternité après la naissance, puis un mois à un mois et demi après leur retour à domicile.
 

Un tiers des mères isolé …

Pour un tiers des 44 femmes qui ont participé à l'étude, le dispositif proposé était insuffisant du fait de leur isolement social. Elles se sont retrouvées dans de grandes difficultés à leur retour à domicile, seulement deux jours après leur accouchement. Anne Dubos a mis en évidence qu'il s'agissait surtout des femmes les plus jeunes, les plus défavorisées, celles qui connaissent des conflits familiaux ou encore celles qui mettaient au monde leur premier enfant. Ainsi pour elles, ni le conjoint ni la famille n'apporte le soutien suffisant, et les visites des professionnels sont trop restreintes. Quant aux sages-femmes libérales qui suivent la patiente au retour à domicile, elles ne sont pas contactées par les jeunes accouchées, probablement parce que le lien de confiance avec les professionnelles n'a pas été établi en anténatal. En revanche, pour deux tiers des participantes, le retour précoce s'est bien passé, le plus souvent grâce à leur entourage. Dans un tiers des cas, le conjoint a pris en charge totalement les aînés et les tâches domestiques, laissant la mère se consacrer pleinement à son nouveau-né durant plusieurs semaines. Dans l'autre tiers c'est sur sa famille que la jeune mère peut compter.
 

Un arrêt prématuré de l'allaitement

Les visites à domicile sont dans l’ensemble limitées aux préconisations institutionnelles visites, soit deux maximum, cependant Anne Dubos a pu constater que de nombreux allaitements ont cessé dès la fin des visites, durant la première semaine après la naissance. Au total, alors que plus de la moitié des femmes allaitaient en sortant de la maternité, seul un tiers du corpus de femmes rencontrées a poursuivi l’allaitement au-delà d’un mois. Quels critères pour le retour précoce ? Il existe des recommandations pour valider le retour précoce à domicile après l'accouchement. Elles sont assorties d'une liste de critères à remplir, dont les médicaux, très détaillés. Or les professionnels éprouvent des difficultés à en appréhender deux importants : le critère social et le critère psychologique de la femme, du couple. Selon Anne Dubos, c'est aussi le manque de temps et l’organisation des soins actuelle qui impactent l’instauration de la relation de confiance envers les soignants et à la possibilité de poser des questions personnelles, qui est responsable de cette situation.