Sensibiliser davantage les professionnels
D’après une récente enquête14, seulement la moitié des mères et des pères disent avoir été suffisamment informés sur la dépression du post-partum. Pour 85% des mères et 71% des pères, personne n’a abordé le sujet au cours des différents rendez-vous médicaux. Selon Sarah Tebeka, psychiatre spécialisée en périnatalité, il est nécessaire d’améliorer la formation des professionnels de santé de première ligne : les sages-femmes, les obstétriciens, les pédiatres et les médecins généralistes en post-natal, qui voient de façon rapprochée les parents et les orientent. Durant la grossesse et après la naissance, les femmes sont insérées dans des soins réguliers, et c’est un échec, selon la psychiatre, que la moitié d’entre-elles passent entre les mailles du filet de la détection du post-partum. Il y a vraiment un enjeu à travailler en réseau et à organiser des filières de soins. Il faut que chaque professionnel ait en tête que la principale complication de l’accouchement c’est la santé mentale ! Et ne pas oublier non plus que le suicide est la première cause de mortalité maternelle.
Donner et prendre le temps de devenir parent
On vit dans une société où l’on met beaucoup de pression aux parents, regrette Alison Stuebe, professeure d’obstétrique et de gynécologie15. Il faudrait que ce soit le coup de foudre immédiat avec son bébé, il faudrait ressentir tout de suite un grand bonheur à être parent, il faudrait pouvoir tout gérer facilement… Or ce n’est pas le cas de tout le monde. Il est très important de reconnaître qu’on ne passe pas de l’état d’adulte indépendant au statut de parent du jour au lendemain, et que cela est tout à fait normal.
Le rôle de l’entourage durant la grossesse et après l’accouchement a également un rôle très important : le partage des tâches quotidiennes, la présence et l’écoute dans les moments difficiles … Des recherches15 sur les avantages d’un congé paternité prolongé et rémunéré ont déjà démontré qu’il contribue à renforcer les interactions familiales et les relations au sein du couple, tout en ayant un impact bénéfique sur le développement émotionnel, psychologique et social de l’enfant. Le sentiment d’être socialement soutenu ainsi que la satisfaction globale vis-à-vis de la relation de couple sont étroitement liés à une diminution des risques de dépression post-partum.
Veiller sur son bien-être et anticiper
Quand on se prépare à devenir parent, il faut avoir en tête que la dépression de post-partum est courante et qu’il faut réagir au plus vite en poussant la porte de n’importe quel professionnel disponible (sage-femme, PMI, médecin traitant…). Savoir cela, affirme Sarah Tebeka, psychiatre spécialisée en périnatalité3, permet souvent de désamorcer les choses. La grossesse et l’après-naissance sont des périodes de vulnérabilité pour les deux parents. Il faut être vigilant, se reposer, se protéger. Par exemple préserver son sommeil en prenant le même rythme que son bébé, préserver des temps pour soi en confiant son bébé à son conjoint ou sa conjointe, savoir dire non à trop de sollicitations ou à la présence envahissante de certains proches…
Dans l’idée d’aller au-devant des difficultés, on peut, durant la grossesse, développer un réseau : si je choisis d’allaiter, quelle association pourra m’aider si je rencontre des difficultés ? Sur quels membres de la famille je peux compter ? Qui peut prendre le relais lors d’un rendez-vous ? Quel professionnel de l’accompagnement pourrait m’aider si besoin ? Comme des coussins placés de part en part, prêts à amortir le choc !
Prendre en charge la souffrance
Il n’y a pas UNE dépression du post-partum, mais DES dépressions du post-partum. En effet, il s’agit d’un trouble très hétérogène, précise Sarah Tebeka, psychiatre spécialisée en périnatalité3. La réponse dans les soins va être en miroir. Il y a des patientes pour qui l’on va seulement proposer une prise en charge par l’assistante sociale, car les difficultés sont purement d’ordre social. Quand les femmes sont très isolées, un groupe de parole entre mères va être bénéfique. Quand il y a des enjeux psychiques, la psychothérapie est proposée en premier lieu, les troubles les plus sévères se traitant comme une dépression, avec des médicaments, avec la possibilité d’aller jusqu’à l’hospitalisation. Dans la prise en charge, le bébé n’est pas oublié ; son développement et sa santé sont évidemment très enchevêtrés à la dépression que vit son parent et parfois ses deux parents. Plus on intervient précocement, plus on va être efficace et plus ça va être facile de prendre en charge la situation. Il n'y a pas de pertinence à laisser traîner les choses. Il y a en revanche des risques à s’enfermer dans une souffrance avec des conséquences à court et à long terme.