Former les sages-femmes à la santé mentale en période périnatale

Sage-femme référente en psychiatrie périnatale en Auvergne-Rhône-Alpes depuis 2017 et membre de l’équipe mobile de psychiatrie périnatale du CHU Saint-Etienne depuis début 2021, Marine Dubreucq consacre sa thèse à la "formation des sages-femmes sur la santé mentale en période périnatale" à l’université Lyon-1.

Complication la plus fréquente de la grossesse, la dépression périnatale a des effets négatifs sur les parents, la qualité des interactions parents-enfants et l’enfant, mais reste souvent non diagnostiquée et donc non traitée. Or si les sages-femmes occupent une position privilégiée pour repérer les patientes souffrant de troubles psychiques périnataux et les orienter, l’offre de formation reste limitée.

Le projet de Marine Dubreucq vise donc tout d’abord à analyser précisément les besoins de formation des professionnelles grâce à quatre focus groups (entretiens collectifs) réalisés en Auvergne-Rhône-Alpes, puis à élaborer un programme ad hoc : repérage, description des symptômes, traitements, usage d’outils standardisés, orientation éventuelle vers des professionnels de la santé mentale.

Ce projet s’inscrit dans les recommandations de la "Commission des 1000 premiers jours" présidée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, dont les conclusions ont été rendues en septembre 2020. Il nourrira aussi une application mobile destinée à mieux prendre en charge la dépression périnatale. Dans un premier temps, ce programme sera mis en oeuvre au sein de plusieurs établissements de la région.
 

Entretien avec Marine DUBREUCQ

Sage-femme référente en psychiatrie périnatale en Auvergne-Rhône-Alpes depuis 2017 et au CHU Saint-Etienne depuis janvier 2022, Marine Dubreucq consacre sa thèse à la "formation des sages-femmes sur la santé mentale en période périnatale" à l’université Lyon-1, notamment au repérage de la dépression post-partum. Cette complication la plus fréquente de la grossesse, en effet, reste souvent non diagnostiquée et donc non traitée.
 

Pourquoi la Commission des 1000 premiers jours s’est-elle intéressée à la dépression périnatale ?

Tout simplement parce que malgré sa fréquence – 100 000 femmes/an en France – la dépression périnatale est peu repérée, peu diagnostiquée (30% des cas seulement) et dans la majorité des cas non traitée (85% des mères ne bénéficient d’aucune mesure thérapeutique). Il était donc urgent d’agir, au vu des multiples effets négatifs que la dépression peut avoir sur la « triade » parents-enfant, mais aussi suite aux chiffres alarmants de l’Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles 2013-2015 identifiant le suicide comme l’une des principales causes de mortalité en période périnatale (un suicide maternel par mois), dont 91% de décès évitables car liés à des soins non optimaux.
 

En quoi les sages-femmes sont-elles bien placées pour repérer d’éventuelles difficultés mentales rencontrées par la future mère ?

Les sages-femmes ont une place privilégiée auprès des femmes : nous avons la chance d’exercer une profession qui permet une prise en charge globale des futures mères et de leurs enfants. Et nous ne pouvons pas rester indifférentes à ces chiffres alarmants ni à la souffrance de ces femmes. Le lien de confiance que nous créons avec nos patientes au cours des 1000 premiers jours nous permet d’aborder la question de leur santé mentale sans jugement ni stigmatisation. D’ailleurs, les données de la recherche montrent que les mères souhaitent être interrogées pendant la grossesse sur leur santé mentale et leur bien-être, mais préfèrent évoquer ce sujet avec une sage-femme plutôt qu’avec un professionnel de la santé mentale. Les sages-femmes sont donc des acteurs clés pour le repérage, l’orientation et la coordination des parcours de santé des patientes avec troubles psychiques périnataux – et identifiées à ce titre par la « Commission des 1000 premiers jours » comme les plus à même d’exercer la fonction de référent de parcours en période périnatale. Il est toutefois nécessaire de les former de façon spécifique, ce qui n’est pas le cas à l'heure actuelle.
 

Sur quel outil vous appuyez-vous pour déterminer les besoins de formation des sages-femmes en santé mentale ?

Il s’agit d’une recherche-action au cours de laquelle sont interrogés l’ensemble des acteurs concernés : parents ; sages-femmes, gynécologues-obstétriciens, auxiliaires de puériculture ; médecins généralistes, pédiatres, puéricultrices ; professionnels de santé mentale. Et ce, pour identifier des pistes d’amélioration de la prise en charge de la dépression périnatale, dont la formation des sages-femmes à la santé mentale en période périnatale. En outre, afin de concevoir un programme de formation répondant aux attentes des professionnels, des entretiens individuels et des focus groups (entretiens collectifs) seront réalisés et analysés de façon qualitative.
 

Quels sont les objectifs de ce programme de formation ?

En premier lieu, je souhaite améliorer la connaissance que les sages-femmes ont de la santé mentale en période périnatale pour leur permettre d’être plus à l’aise sur le sujet et donc de l’aborder plus facilement avec les mères. Les données de la recherche montrent d’ailleurs que la formation des sages-femmes à la santé mentale en période périnatale, comme l’utilisation d’auto-questionnaires de dépistage, aboutit en général à une meilleure détection et prise en charge des troubles psychiques périnataux.
 

De quelle manière ce programme sera-t-il déployé ?

Ce programme sera conçu pour une utilisation en présentiel ou en e-learning. Après évaluation de son efficacité, il sera déployé largement au niveau régional ou national pour devenir accessible au plus grand nombre de sages-femmes et étudiantes sages-femmes.